Publié le 28 juin 2019 |
0Les échos #24-2019
Par Yann Kerveno
Si l’on parle beaucoup du réchauffement climatique cette semaine, pour cause de canicule, on a aussi appris récemment que le riz était finalement une plaie pour l’environnement. En gaz à effet de serre sa production dans le monde pèserait autant que 1 200 centrales à charbon de taille moyenne. Et voilà le riz collé dans la case mauvais élève avec les bovins. Bon, cela dit, vous conviendrez sans peine avec moi que le charbon, ça ne nourrit pas son homme !
D’autres chercheurs s’inquiètent du peu de cas que l’on fait aujourd’hui des microbes, des bactéries et du plancton dans ce contexte. Obnubilés que nous sommes par les changements que nous voyons, nous ne prêtons pas assez attention à l’infiniment petit, dont le rôle est pourtant essentiel dans l’équilibre du vivant. Toujours au rayon de l’infiniment petit, c’est l’exploration de l’ADN de Vitis vinifera qui a permis de montrer que le Savagnin, principal cépage jurassien à la base du fameux vin jaune, est cultivé depuis neuf siècles en France. Et qu’il était alors bien plus répandu qu’aujourd’hui. Il s‘en trouvait ainsi à Orléans. L’article de Nature Plants, qui ne s’arrête pas à cette anecdote, est là.
Vous vous souvenez, nous avions parlé de Mafia dans le thread du mercredi il y a quelques semaines. Le Guardian s’est demandé, dans un « Long read », si les tomates consommées au Royaume-Uni pouvaient avoir été récoltées par des esclaves de la mafia en Italie. Glaçant. On ne sait pas si la mafia est partout mais la fraude semble assez répandue. Ainsi une vaste enquête européenne portant sur 67 000 contrôles a permis de découvrir 16 000 tonnes et 33 millions de litres de produits alimentaires non conformes… L’information, curieusement, n’a pas encore fait les gros titres de la presse, peut-être à cause de la canicule ? En Espagne la sécheresse est bien là. Elle concerne presque un million d’hectares déjà, principalement dans les deux Castilles dans le centre du pays. Soucieux du temps qu’il fait, l’agriculture espagnole l’est aussi de la peste porcine africaine. L’organisation des producteurs de porc de Catalogne, la principale région de production, a ainsi estimé à 2,5 milliards d’euros les pertes qu’enregistrerait la filière en cas d’apparition de la maladie.
En parlant de peste, on ne reviendra pas cette semaine sur le nouveau rebondissement dans l’affaire qui occupe le petit monde médiatique (la guerre fait rage) autour d’Envoyé spécial et de la presse écrite, mais le dernier numéro de l’émission, celui sur les semences, a donné l’idée à quelques-uns d’aller fouiller du côté de chez Kokopelli, à qui l’émission d’Élise Lucet avait grand ouvert ses micros. De quoi attendre sereinement les AOC dans le cannabis et de regarder tranquille dans ses tongs le Brésil faire sauter la plupart des réglementations d’usage des produits phytos. Ce sera d’ailleurs probablement un des sujets de l’été pour le ministère de l’Agriculture, qui vient de voir retoquer une partie de l’arrêté encadrant leur utilisation parce qu’il « ne protège pas assez le voisinage.»
Alors qu’on attend toujours de connaître le futur visage de la PAC, le think tank Agr’idées a organisé début juin une rencontre autour de l’agriculture et de l’entreprise. La journée de réflexion intitulée « Faire de l’exploitation agricole une entreprise comme les autres » mettait largement l’accent sur un cadre jugé obsolète et plaidait sa modernisation. Un autre think tank agroalimentaire a aussi dégainé une batterie de propositions quitte à bousculer, c’est un euphémisme, l’ordre établi et les filières organisées depuis des années. Question de modernité, on ne peut trouver plus moderne que les entreprises chinoises, mais parfois, le vent tourne mauvais. Après l’affaire du lait et de Sodiaal, le marché a rattrapé l’homme qui voulait devenir le roi du pain en Chine (garanti sans contrepêt volontaire).
Ses rêves ont fini en croûton rassis, les trois boutiques ouvertes à l’enseigne Chez Blandine ont fermé et sa société vient de connaître une retentissante faillite. Sans qu’on sache à l’heure actuelle, ce qu’il adviendra des terres qu’il avait acquises, plus de 2500 hectares, dans le centre de la France pour conduire à bien son projet. S’il cherche du travail pour se refaire, on pourra lui conseiller, amicalement, de se rendre en Espagne, où, bonne nouvelle, on cherche des bergers figurez-vous. Mais là, pas de risque de se trouver nez à nez à avec un ours ou un loup, ces bergers-là sont 2.0 puisqu’ils auront à surveiller des… robots.
Ce n’est pas pour vous glisser le moral dans les chaussettes, surtout aujourd’hui où la sandale est de rigueur, mais l’ancienne présidente du Massachussetts Institute of Technology (MIT) se dit horrifiée par le temps présent et le déclin de la confiance dans la science. Peut-être peut-on lui conseiller, pour la consoler, un câlin avec une vache, nouvelle tendance détectée par les spécialistes du bien-être des humains. Cela dit, ce peut-être une chance pour les bovins, accusé de tous les maux (gaz à effet de serre, consommation d’eau, de maïs OGM et de soja…) devenir finalement des outils de thérapie pour humains angoissés par la fin du monde. Et les agriculteurs deviendraient des thérapeutes (remboursés ?). Une #idée pour la prochaine #PAC ?
Allez, puisque c’est le dernier numéro des échos de ce semestre et avant les grandes migrations autoroutières, jetez donc un œil à celles des insectes, migrations invisibles, qui font la curiosité des scientifiques aujourd’hui qui les suivent avec des radars. Cela vous donnera peut-être des ailes !
Bel été, rendez-vous en septembre !