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Les échos & le fil Voiture dans un tunnel_credit Yann Kerveno

Publié le 31 octobre 2024 |

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Le vert est-il dans la droite ?

Écologie et extrême-droite sont a priori deux mots qui ne vont pas ensemble. De loin. Quand on regarde de plus près, comme souvent, les choses sont moins claires. Et la défense de la planète peut devenir un outil redoutable pour justifier les discours des un ou des autres. Jusqu’à percoler dans les partis traditionnels ? C’est le fil du mercredi 30 octobre 2024.

Visuel : crédit Yann Kerveno

Depuis de nombreux mois et l’émergence vigoureuse de l’extrême-droite dans les élections européennes, des voix s’élèvent pour craindre un abandon de la lutte contre le changement climatique. En montrant notamment du doigt les reculades de l’Union européenne sur le Green deal et Farm to Fork suite à la mobilisation des agriculteurs dans nombre de pays de l’Union. De quoi donner rapidement raison au vieux clivage qui veut que l’écologie et la nature soient plutôt des combats de gauche. Les choses sont-elles aussi simples ? Pas vraiment, et de nombreux papiers publiés ici ou là depuis un an dressent un portrait plus nuancé. Avec des différences régionales. Quand l’extrême-droite française ou italienne peuvent soutenir certaines mesures destinées à lutter contre le changement climatique, l’heure est au refus catégorique en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore en Suisse.

Du déni à l’obstruction…

Mais les choses sont loin d’être figées et les évolutions récentes sont notables. Il y a d’abord une question de stratégie remarquée par OpenDemocracy au début de cette décennie qui signale qu’après le déni du changement climatique, l’extrême-droite a basculé dans une stratégie d’obstruction en appuyant notamment sur les conséquences économiques des décisions liées à la lutte contre le changement climatique. Reconnaissant implicitement ce qu’elle rejetait auparavant. Cet abandon (au moins de façade) du déni de l’origine anthropique du changement climatique, que font remarquer les auteurs, permet à l’extrême-droite « dapparaître comme progressiste et de sortir de son carcan idéologique. » Mais il n’est pas vraiment étonnant, au regard de l’histoire, que ce courant s’empare de ces questions puisque, « lenvironnement naturel », la « campagne nationale romantisée » contre les « influences modernes et indésirables » sont des constantes de leurs corpus idéologique écrivent Iris Beau Segers et Manès Weisskircher, du Centre de recherches sur l’extrémisme de l’Université d’Oslo. Ils notent qu’aujourd’hui des paradoxes existent dans cette pensée qui peut à la fois militer pour la préservation de l’environnement national, l’agriculture biologique à petite échelle, tout en rejetant ou minimisant le changement climatique planétaire. Ou tente d’empêcher la construction d’éolienne au nom de la beauté des paysages, même si tous les mouvements à l’œuvre jouent d’un levier commun : « Les sentiments répandus de victimisation et de privation de droits des Européens ruraux et (…) leur ressentiment à l’égard des élites urbaines, de lestablishment politique, des migrants et des minorités ethniques.» Avec le risqueeque ces approches d’extrême-droite finissent par « influencer les positions environnementales des partis traditionnels » comme on le voit par exemple aux États-Unis. D’ailleurs les stratégies sont multiples, à base d’alliances de circonstances, comme le montre Mahir Yazar dans un papier publié récemment. Où il détaille les «tactiques discursives » destinées à freiner la décarbonation, en faire un sujet politique et social, faire bouger ses valeurs pour s’allier avec d’autres mouvements antidécarbonation pas forcément issus de la droite ou même politiques…

…L’écologie comme arme politique

Les chevauchements seraient ainsi aujourd’hui bien plus nombreux qu’on veut bien le voir, et ne cesseraient de se multiplier, explique le chercheur américain Alex Amend qui s’est fait une spécialité de ce terrain, l’écofascisme, cité par un papier de NPR. La confusion est telle qu’un procureur a même attaqué l’État fédéral des États-Unis d’Amérique, l’administration Biden en l’occurrence, contre l’interruption de la construction du mur le long de la frontière avec le Mexique au titre d’une violation de la loi sur la politique environnementale fédérale. Parce que, tenez-vous bien, « les migrants laissent des déchets dans la nature qui sont une menace pour la vie sauvage… » Quand les associations de défense de l’environnement estiment au contraire que c’est le mur qui est une atteinte à la continuité écologique et la santé des milieux. Sa requête fut rejetée mais elle illustre bien les torsions dont il est question. Un autre chercheur, Blair Taylor, cité par le même papier, précise que l’alt-righ américaine n’a fait que découvrir et remettre au goût du jour cette vieille idée européenne du début du XXe qui veut que « que la nature était un domaine compétitif violent et finalement très hiérarchisé où les Européens blancs étaient au sommet. » Rien de vraiment rassurant à l’heure où le trumpisme risque de mettre un sérieux coup d’arrêt à la lutte contre le changement climatique dans un des plus gros pays émetteurs de gaz à effet de serre.

Franco-franco ?

Tout cela a de quoi mettre en perspective nos débats franco-français comme celui suscité par Hugo Clément et ses postures faces à l’extrême droite pour lesquelles il se voit reprocher d’être conciliant quand lui explique que son attitude est transpartisane. Cette mise en perspective, c’est Vert le Média s’y est collé tout récemment en proposant à deux chercheurs de réfléchir ensemble sur la position adoptée par l’animateur télé et ses « accointances », c’est écrit ainsi, avec l’extrême-droite. Albin Wagener faisant remarquer que l’animateur parle plus avec les responsables du parti qu’avec les électeurs, participant ainsi à la normalisation du RN, Antoine Dubiau laissant entendre, lui, que l’écologie d’extrême-droite existe déjà et qu’elle est « raciste, misogyne, homophobe, transphobe. » Bref, ça vaut le coup de se plonger là-dedans pour sortir des clichés et élever un peu le débat !

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