Par Frédéric Keck, anthropologue, CNRS

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Sciences et société, alimentation, mondes agricoles et environnement


Bruits de fond

Publié le 26 juin 2017 |

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Grippe aviaire : pourquoi ça bat de l’aile ?

Par Frédéric Keck, anthropologue, CNRS

L’épizootie de grippe aviaire a mis en lumière de profondes incompréhensions entre le ressenti des éleveurs, la perception des mangeurs et les mesures vétérinaires mises en place pour stopper la propagation du virus.

La grippe aviaire constitue une menace globale, à l’échelle de la planète, avec des répercussions locales pour les éleveurs. Cela signifie que tous les acteurs doivent être impliqués dans sa gestion. D’une part à l’échelle internationale, avec un suivi du virus entre la Chine, la Russie, l’Union européenne et l’Afrique, principaux pays concernés. D’autre part à l’échelle locale : dans chacun de ces pays, les autorités de santé animale et humaine doivent travailler avec les éleveurs pour rendre acceptables les nouvelles mesures de biosécurité imposées par la gestion de la grippe aviaire. Les éleveurs ont une connaissance historique des maladies qui affectent leurs animaux : ils parlent notamment de la maladie de Newcastle dont la maîtrise a été un facteur essentiel de développement de l’élevage intensif.

Trois histoires

La grippe aviaire a fait l’objet d’une construction publique et globale. En suivant son histoire entre les Etats-Unis, la Chine et l’Europe, on peut saisir les différentes phases de sa prise en charge : l’alerte, sa reprise et son amplification, sa généralisation, jusqu’à la mise en place de mesures de biosécurité. Dans le cas présent, les éleveurs ont été mis à l’écart de l’alerte sur la pandémie de grippe aviaire, parce que celle-ci jouait sur des représentations médiatiques des risques alimentaires.

Tout l’enjeu consiste désormais à faire coïncider trois histoires : d’un côté, la construction de l’expertise au plan mondial sur la grippe aviaire depuis une trentaine d’années, particulièrement depuis l’alerte à Hong-Kong en 1997 sur le H5N1, laquelle impose une batterie de mesures standardisées sur tous les territoires concernés. De l’autre, des éleveurs français qui, incités à s’engager dans l’élevage industriel et encadrés par les autorités en charge de l’alimentation, ont dû gérer un certain nombre de nouvelles  maladies animales en recourant à des produits pharmaceutiques. Enfin, la remise en question, croissante, de l’élevage industriel et de l’alimentation carnée à bas coût par les mouvements animalistes et les partisans du bio. Les normes appliquées à la grippe aviaire croisent ces trois histoires de façon potentiellement conflictuelle.

En définitive, ces crises nous enseignent que chaque acteur, chaque profession suit ses habitudes. Les éleveurs suivent leurs habitudes, héritées d’une mémoire locale des maladies animales. Les experts en santé animale et humaine suivent les mesures globales de biosécurité imposées depuis vingt ans. Et les crises sanitaires font entrer ces habitudes en tension dans les pratiques et les représentations des consommateurs.

Lire l’entretien intégral réalisé avec F. Keck le 20 janvier 2017.

Définition de l’OIE : maladie présente partout dans le monde, très contagieuse et souvent grave, qui affecte les oiseaux, notamment les volailles domestiques.

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