Par Valérie Péan.

[dossier Loup] Imaginaires : Quand on parle du loup… (4) - Revue SESAME

Sciences et société, alimentation, mondes agricoles et environnement


Quel heurt est-il ?

Publié le 19 décembre 2017 |

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[dossier Loup] Imaginaires : Quand on parle du loup… (4)

Par Valérie Péan.

« C’est le loup qui, pour l’imagination occidentale, est l’animal féroce par excellence. Craint de toute l’Antiquité et du Moyen-Age, il revient aux temps modernes périodiquement se réincarner dans une quelconque bête du Gévaudan.  Encore au 20e siècle, il est un symbole enfantin de peur panique, de menace, de punition ».  Jusque-là, rien qu’on ne sache déjà dans ce constat qu’opère le grand anthropologue Gilbert Durand, dans son ouvrage de référence, « Les structures anthropologiques de l’imaginaire » (Bordas, 1969).  C’est la suite qui nous intéresse. Car pour ce disciple de Bachelard, qui analyse comment fonctionnent et s’organisent les images peuplant de tous temps et en tous lieux les mythes, contes, légendes et autres récits, le loup est l’un des principaux symboles, aux yeux d’homo sapiens, de la puissance destructrice du temps, de sa fuite comme de ses brusques basculements.

Le loup, un « Visage du temps » donc, parmi d’autres animaux, lesquels emplissent notre imaginaire dès l’enfance, de manière primitive et universelle.  Car l’animal, c’est d’abord l’animé, le mouvement rapide, brusque, anarchique, ou encore l’agitation désordonnée : autant de métaphores de notre angoisse  devant le changement, lequel constitue, pour l’enfant, les premières expériences douloureuses : « Naissance, brusques manipulations de la sage-femme puis de la mère, plus tard le sevrage. » Au-delà des réactions réflexes du nouveau-né, demeure dès lors la trace d’une répulsion pérenne, dans l’imaginaire, à toute brusque agitation. Où l’on comprend mieux nos phobies du grouillement chaotique d’insectes, ou encore les figures légendaires du cheval blême au galop, chevauché par la Mort.  Il arrive cependant que les images de fuite ou grouillement se transforment en agressivité. C’est alors la mâchoire « armée de dents acérées », le « sadisme dentaire » qui se concentre tout entier dans la gueule du loup, symbolisant notre effroi face à la morsure du temps qui passe.  C’est Hadès, dieu des Enfers, vêtu d’une peau de loup. C’est le lupus romain, attribut de Mars, divinité de la guerre.  Ce sont des loups encore, dans la mythologie nordique, qui pourchassent pour les dévorer le soleil et la lune, annonçant la mort cosmique. C’est la voracité des loups, toujours, qui chez les Yakoutes, expliquent les phases lunaires.

Profondément ancrée dans nos cultures, la peur de loup, à l’instar de celle du lion ou du tigre dans les civilisations tropicales et équatoriales, serait ainsi à rapprocher de l’effrayant ogre Kronos, ce titan qui dévorait ses enfants à peine nés, et qui au passage, faucille en main,  émascula son père Ouranos, mais c’est une autre affaire.

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