Publié le 9 octobre 2020 |
0Les échos #28-2020
Vous vous souvenez, voici quelques semaines nous avions fait un point sur les profonds problèmes agraires que rencontre le Zimbabwe, avec les projets de rétrocession de terres aux fermiers blancs évincés par la réforme agraire des années 2000. En Afrique du Sud, le gouvernement met en location des centaines de fermes qu’il détient, la bagatelle de 700 000 hectares, avec des baux de 30 ans et option d’achat pour les fermiers noirs évincés pendant l’apartheid. Toujours en Afrique, le Nigeria va interdire la production et la vente d’alcool en sachet plastique, pour tenter de freiner les problèmes sanitaires engendrés par la facilité d’accès à ces produits.
D’un bond, passons en Chine, pour apprendre que ce pays est devenu le premier importateur mondial de produits agricoles nécessaires pour nourrir le milliard et quatre cents millions de bouches qui le composent. Et l’Europe a réussi à se frayer un chemin pour figurer parmi les grands fournisseurs de l’Empire du Milieu, derrière le Brésil, mais devant les États-Unis. D’ailleurs, les Chinois sont aux achats aux États-Unis des dernières semaines, et de manière quotidienne pour le soja et le maïs, parce qu’ils sont en particulier contraints par les objectifs d’un accord commercial qu’ils pourraient ne pas pouvoir honorer. Si la reprise de la production de porc, après le douloureux épisode de peste porcine africaine, est à l’origine de cet activisme commercial, elle est aussi la cause de la débandade sur le marché de la volaille chinoise dont les prix dégringolent.
Les Chinois se montrent pour l’instant discrets sur les succédanés ou les similis de viande, poisson ou œufs même si Beyond Meat annonce y construire deux usines de production dans les mois qui viennent. En revanche, en Europe et sur le continent nord-américain, c’est la course. Si l’on a vu récemment que le discours anti-viande impacte assez peu les consommateurs, les tendances sont tout de même là qui mettent en exergue le développement d’un flexitarisme important dans la société européenne. D’ailleurs, certains, comme le distributeur anglais Tesco, ne s’embarrassent pas de précaution et table sur un triplement des ventes de produits alternatifs à la viande d’ici… 2025. En attendant, la bataille ne faiblit pas. Les associations de consommateurs alertent sur le haut degré de transformation de ce type d’aliments et les interprofessions de l’élevage ont assigné en justice la start-up de Xavier Niel, Les nouveaux fermiers, pour l’utilisation qu’elles jugent abusive des termes « fermier » (qui fait l’objet de convoitise depuis fort longtemps), et « viande ». En attendant aussi, du côté de la viande cellulaire, les choses ne traînent pas. Mosa Meat a levé 55 M€ pour passer au stade industriel et prévoit la mise en marché de ses premiers steaks de cellules dans deux ans tandis que le marché européen est aujourd’hui vu, par les chercheurs, comme un « immense terrain de jeu pour ce type de produits. »
La toute récente séquence autour de la dérogation accordée aux planteurs de betterave pour l’utilisation de néonicotinoïdes a mis en lumière le gouffre qui sépare plus que jamais les défenseurs de l’environnement des défenseurs de l’agriculture. Pas sûr que cette séquence politique, ni celle qui s’ouvre sur l’élevage, aillent dans le sens des souhaits du député Grégory Besson-Moreau, rapporteur de ce projet de loi, qui aimerait parvenir à « recréer du lien entre monde agricole et écologistes ». Alors faut-il compter sur les fermes urbaines pour retisser ce lien et répondre aussi, ainsi, aux demandes des consommateurs pour des produits plus locaux et responsables ? Pas sûr selon Roland Condor qui voit dans le développement des fermes urbaines le risque de voir se renforcer le schisme entre « entre d’un côté des citadins rompus à l’écologie et au digital et de l’autre des populations rurales plus traditionnelles, en quête d’authenticité. » Enfin, c’est un sujet qui n’a pas percé et on doit à Pig Progess de mettre le doigt là où ça fait mal. Si la crise du Covid-19 est largement couverte, certains pans de ses conséquences restent sous le radar, comme le sort des éleveurs confrontés à la fermeture des abattoirs, en particulier en Allemagne. C’est glaçant.
Et pour reprendre votre souffle, rien de mieux qu’un tour en forêt, fut-il virtuel avec ce très beau projet sonore (<3 Émilie pour la trouvaille) auquel vous pouvez contribuer dans le bosquet près de chez vous.